Une jarre de terre cuite.
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Telle une pierre brute.
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A la ligne du Féminin.
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A la source impalpable
des sensations.
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Hors du temps.
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Des jarres. Pourquoi n’avoir de cesse de peindre des jarres, parfois de deux mètres sur trois, des années durant ? Parbleu, si seul l’objet l’intéresse, Francis Pessin se serait fait potier plutôt que peintre, ou en aurait fait collection ou commerce. Alors pourquoi ? Pourquoi avoir réalisé un triptyque de jarre si cet objet ne stigmatise pas un sens, ne représente pas à ses yeux une idole, une figure religieuse, spirituelle ou votive ? Qu’estce qu’une jarre de terre cuite ? Il faut se rappeler de sa fabrication… Un objet, informe, minérale et souple dans sa matière brut, animal et dure comme la pierre dans sa forme finie. Une magie, naît de la terre mère, de l’eau, de l’air et du feu sous l’emprise du savoir alchimique de l’homme. Il faut se souvenir de son usage… De civilisation en civilisation depuis des millénaires, la jarre tient de ces objets fonctionnels et courants qui ne représentent pas plus de valeur que ce qu’ils portent. Et pourtant à y réfléchir, que de symboles cet objet anodin incarne… "Ce qui contient" quand les denrées voyagent de contrées en continents. "Ce qui préserve" quand la récolte, l’eau ou les biens précieux sont mis à l’abri du pourrissement, de la sécheresse ou de la destruction. "Ce qui transmet" quand y repose la dépouille du mort ou les objets et les offrandes nécessaires à son passage du monde des vivants au monde des morts. D’un "territoire à l’autre", géographique, temporelle ou spirituelle, la jarre transporte et transmet. Alors que sa nature est figée et inerte, elle représente toujours une force, un mouvement virtuel. Mais ce n’est pas tout.Tout ce plein suggère tant de vide ! A quoi tient cette présence impérieuse ? Ce ventre rond comme une corde tendue prête à se rompre… Cette allure d’aquarium monumental aux parois inertes et opaques mais néanmoins poreuses… A contempler une jarre, qui se retrouve le plus attisé, notre imaginaire ou notre regard ? De quel fantastique ou exotique relève ce dedans " invisible ? Je la devine vivante. Je l’entends respirer. Cette jarre est enceinte. Elle trône là comme une figure universelle de maternité. Semblable à un oeuf ou à un ventre tendu dont la coquille ou la peau protége le précieux contenu, la jarre serait une matrice où règne ce qui ne se voit pas ou pas encore, une promesse, un espoir, une continuité. Et si la jarre était à la peinture ce que la femme est à l’humanité ? N’est-ce pas une table de correspondance proprement humaine et féminine qu’il est d’usage d’employer en histoire de l’art pour diviser et étudier les différentes composantes d’une poterie antique ? La jarre pourrait correspondre à une représentation sculpturale de l’invisible du visible, à ce qui est vu sans être vu. Elle pourrait coïncider avec une pertinence redoutable à cette image irréelle et tant convoitée du visible de l’invisible... Nous voilà déjà bien loin de nos "poteries de grande taille".

Texte de Gabriel Azoulay