A la ligne du Féminin.
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Une jarre de terre cuite.
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Telle une pierre brute.
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A la source impalpable
des sensations.
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Hors du temps.
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Vu de loin, la surface est presque monochrome tant les effets de texture sont délicats. Même si seules les lacunes font corps, la forme est reconnaissable. Ce que je vois est le corps d’une femme, lustre et lascif. Je vois un corps incliné, sans relief et sans visage, amputé de par et d’autre par le cadre de la toile. Je vérifie brièvement sur toutes les toiles qui m’entourent, c’est bien vrai, jamais de visages. Ce sont des corps sans tête et sans visage… Ce que je vois est un corps déshabité, une présence muette sans possibilité de regard ni de parole. Plus loin je vois des corps féminins dénudés sans commencement ni fin. Ces corps sans identité et sans âge défient les lois de la pesanteur et la finitude de l’existence. Mais ce que je vois surtout, c’est la ligne, la ligne continue, qui trace et compose seule le profil. Je m’approche d’une toile de plus près, d’encore plus près. Le tableau qui me fait face est une peau tendue sur la toile. Une peau lisse sur laquelle une scarification a été creusée pour donner forme à la ligne. Le visage presque collé sur la toile, j’entends cette peau respirer, vibrer au gré des variations infimes de la lumière. Son parfum d’encaustique me retient et m’envahit. Je reviens à la ligne… C’est une veine, une rigole, une cicatrice épaisse et hésitante labourée dans la chair de la toile, dans son épaisseur d’empâtement de poudre de marbre, de fusain ou de cire. Ce qui fait le "fond", c’est donc la ligne. Je la prends des yeux pour fil d’Ariane. A chaque fois, la ligne se développent et s’étirent en dehors des parois du tableau. Et à chaque fois j’y reviens. La veine s’arrête soudain au triangle intemporel d’une vulve. Après tant de lignes courbes,mon regard se brise enfin aux arrêtes du triangle. J’éprouve le plus grand mal à me défaire de cette tache. Je réalise soudain que ce triangle est la seule surface peinte du tableau. Toutes les veines semblent avoir puisé leurs forces dans ce puit de lumière. Je m’éloigne. D’un oeil douteux et inquiet, on me regarde. J’ai pourtant résisté à l’envie impérieuse de caresser des mains la toile…

Texte de Gabriel Azoulay