Telle une pierre brute.
accès au portfolio PIERRES DE LUNE

Une jarre de terre cuite.
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A la ligne du Féminin.
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A la source impalpable
des sensations.
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Hors du temps.
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D’emblée, je suis pris de vertige. Que dire de toutes ces toiles qui ne présentent rien de plus qu’une pierre posée sur un fond informe. Cette pierre me résiste et échappe au discours. J’aurais envie de m’en remettre humblement, et probablement sagement, aux mots de Paul Klee qu’il aura fait gravé comme épitaphe sur sa pierre tombale : "Je suis insaisissable dans l’immanence…". J’ai le choix. Ou bien revenir sur mes pas ou m’arrêter là. Oui… Oui mais voilà… Nul ne part à la rencontre de l’inconnu s’en prendre le risque de se perdre. Ou bien prendre le premier chemin qui nous semble vraisemblable… Qui fréquente les pierres ? Qui se plait à les observer et à les collectionner ? Les enfants… Les géologues... Les astrophysiciens… Ceux-là même qui se prêtent, par curiosité ou par métier, à interroger respectivement la vie, le monde et l’univers. Coïncidence ? Avez-vous jamais entendu l’enthousiasme d’un enfant à relever les aspérités d’une pierre, son poli ou son tranchant, ses couleurs, ses irrégularités et ses formes ? N’avez-vous jamais vécu le plaisir qu’il peut y avoir à manipuler des mains une pierre les yeux fermés et à lui octroyer une histoire ou une origine selon ce qu’elle vous évoque ? Pourquoi le plaisir brut du contact d’une pierre au creux de la main interpelle-t-il notre mémoire ? Pourquoi nous fait-il éprouver ce sentiment de familiarité tellurique, cosmique ? Qu’est-ce que nous tenons dans la main, qu’est-ce que nous voyons ? Le premier outil de l’homme ? L’origine minérale de la vie ? Le testament d’amour que l’on pose sur la tombe des morts ? Une arme préhistorique ? Ou un vulgaire caillou à l’opposé de toute forme de sens ou de signe, comparable à ceux que des millions de détenus ont brisé en de plus petit cailloux pour que leur volonté soit réduite à néant ? Comment privilégier un sens plutôt qu’un autre quand rien ne fait signe ? Ce qui est représenté là ne sont ni ruines de pierre, ni pierres taillées ou précieuses mais de vulgaires pierres, de celles que l’on frapperait volontiers du pied. Pourquoi élever une pierre à la dignité de figure ? Qu’est-ce que cette collection de pierre en peinture peut bien vouloir nous dire ou nous faire voir ? Quel rôle une pierre inerte et posée peut-elle jouer comme sujet de peinture ? Et quoi ? Quoi de plus commun et de moins vivant qu’une pierre brute ? Qu’est-ce qu’elle a ? Qu’est-ce qu’elle a de sacré cette foutu pierre ? Je sens bien que quelque chose m’échappe dans cette pierre. Que dire de ce que je vois qui ne puisse être remis en cause ou dénigré au titre de surinterprétation ou de délires ? Rien. Presque rien. Rien qui importe. Ce que je vois m’échappe. Et c’est ce cela qui m’échappe qui inéluctablement m’interroge. Et qui se doit d’être interrogé. Et représente tout ce que je peux dire. Comme si ce qui nous est donner à voir ne peut prendre son poids d’émotions et d’énigmes qui si l’on creuse sa présence muette, son apparente absence…

Texte de Gabriel Azoulay